jeudi 11 novembre 2010

Allocution cérémonie de l'armistice de la première guerre mondiale

Depuis 92 ans maintenant, chaque matin du 11 novembre, dans les 36.000 communes de France, le temps s’arrête, devant le monument aux morts pour prendre le temps de se rappeler.

Depuis 92 ans désormais, plus de 3 millions d’allocutions ont été prononcées, mais nous refusons d’oublier et nous continuons à rendre hommage.

92 ans et tout à été dit sur cette terrible guerre, tout a été pensé, analysé, expliqué mais est-ce le plus important ?

A quoi bon rechercher encore et toujours des choses nouvelles à écrire ?

A quoi bon vouloir surprendre en tentant d’en dire d’autres ?

Dans certaines circonstances, dire simplement les choses est suffisant.
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Beaucoup s’interrogent sur la nécessité, après 92 ans et 3 millions d’allocutions, de continuer ainsi chaque année à se recueillir.

A peine le dernier poilu Français disparaissait qu’il fallait immédiatement remplacer cette cérémonie par une grande fête de l’Europe, une fête fraternelle, moins pesante, comme si on voulait se débarrasser d’un fardeau en le recouvrant rapidement d’un voile, d’un voile sur notre passé.

Suffit-il que le dernier soldat nous quitte pour qu’une commémoration n’ait plus de sens ?

Suffit-il que cette guerre soit loin de nous pour qu’elle soit moins importante à nos yeux ?

Le temps efface peu à peu la douleur, il guérit tous les maux, il parvient à nous faire vivre malgré les malheurs. Il ne doit pas nous faire tout oublier, il doit nous laisser à notre Histoire.

Et s’il n’y a plus que le « Devoir de mémoire », comme si la mémoire était un devoir et non une évidence, acceptons-le encore une fois.

Il ne nous reste peut-être plus que cela aujourd’hui.

Dans certaines circonstances, dire simplement les choses suffit.

Alors ce matin, encore une fois nous parlerons de ce qui a fait cette guerre, de ces choses simples mais terribles :
   • nous parlerons du bilan tragique qu’elle a laissé derrière elle,
   • nous parlerons du courage et de la souffrance de nos soldats,
  
• nous parlerons de la prise de conscience qu’elle a fait naître en nous.

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Nous devons rappeler avant tout ce terrible bilan, car il nous montre, avec la froideur des chiffres, les horreurs que peuvent engendrer une guerre.

Il devra être répété, rabâché et répété encore pour que personne ne l’oublie.

Il y a 92 ans prenait fin la première guerre mondiale et donnait lieu à ce bilan monstrueux 65 millions d’hommes mobilisés, 9 millions de morts parmi les soldats, 21 millions de blessés, 4 millions de veuves, 8 millions d’orphelins et pour la France, 1.400.000 tués et disparus.

Ce bilan est la première raison pour continuer à être présent chaque matin du 11 novembre devant ce monument aux morts.
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Nous devons rappeler le courage formidable de nos soldats, il est encore intact après presque 100 ans.

Si nous sommes réunis c’est d’abord pour rendre hommage à tous ceux qui ont combattu jusqu’à l’extrême limite de leurs forces avec dans le cœur l’amour de leur patrie, la conviction de défendre une juste cause et sans doute les êtres qu’ils aimaient.

Dans la boue des tranchées, rampants parmi les rats, sous la pluie qui ne cessait pas, montant au combat sous les obus et la mitraille, portant les blessés au risque de leur propre vie, les soldats n’avaient plus que leur instinct pour leur dicter de se battre et de survivre avant tout.

Même après 92 ans, la France ne devra jamais oublier ses enfants car ils se sont battus pour elle et sont morts pour notre liberté.

Elle ne pourra pas rayer de l’histoire le sang et les larmes versés sur les champs de batailles de la Marne, de l’Aisne, de Verdun et du Chemin des Dames.

Elle devra se rappeler de tous les soldats Français et n’en oublier aucun même s’ils ont tous disparus aujourd’hui.

Ce courage est la seconde raison pour continuer à être présent chaque matin du 11 novembre devant ce monument aux morts.
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Nous devons parler de la prise de conscience que cette guerre a fait naître en nous car elle est l’une des raisons qui nous permet de vivre en paix aujourd’hui.

N’est-ce pas grâce à ces 3 millions d’allocutions lues avec force et passion que nous avons pris soudain conscience de l’importance de la vie ?

N’est-ce pas grâce à cela que la mort d’un soldat français, tué sur un champ de bataille dans le Monde, est désormais intolérable pour l’opinion ?

Cette guerre nous a permis de tirer les leçons de ce passé, de ces quatre années terribles, elle a permis de débuter notre prise de conscience en découvrant l’importance de la vie humaine.

La construction de l’Europe, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, l’Organisation des Nations Unies, après tant de drames, après tant de folies meurtrières, sont ainsi les plus belles traductions de cet apprentissage de la vie et de ce sursaut de conscience.

Le sang versé par les soldats de la Grande Guerre et la douleur qui accompagna jusqu’à leur dernier jour ceux qui survécurent à l’enfer des tranchées furent ainsi la première étape de la construction d’un rêve de paix, de respect, de compréhension, de solidarité entre les hommes.

Ce rêve aujourd’hui nous semble être presque naturel alors qu’il fut si difficile à réaliser et qu’il reste encore si fragile.

La transmission de cette conscience à nos enfants est la troisième raison pour continuer à être présent chaque matin du 11 novembre devant ce monument aux morts.
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Aussi longtemps que ce sera possible, nous devrons nous retrouver le matin de chaque 11 novembre simplement pour parler de ces choses simples.

Ces choses simples qui font partie de notre Histoire et qui ne devront jamais être oubliées.

Ces choses simples qui même si elles sont terribles ne devront pas être gommées.

Ces choses simples qui seront transmises à nos enfants qui les transmettront à leur tour aux leurs.

Ces choses simples qui leur permettront, nous l’espérons tous, de ne jamais devoir se battre et mourir comme il y a maintenant plus de 92 ans.

En apprenant de cette guerre et de notre Histoire, ils comprendront ainsi que le plus beau des combats doit rester celui de la paix et de la vie.