En mai 1961, le Gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la république algérienne entament des négociations difficiles.
En mai 1961, tout est déjà joué.
Le 18 mars 1962, le Gouvernement français cède ses pouvoirs sur l’Algérie et le Sahara au travers de la signature des accords d’Evian.
Ils mettent fin à ce que personne ne voulait appeler "guerre d’indépendance" mais qualifiait juste "d’évènement d’Algérie".
Ces accords se traduisent alors dès le lendemain par un cessez-le-feu applicable sur l’ensemble du territoire et par les deux camps.
8 ans pour un cessez-le-feu, 8 ans pour la fin d’un conflit entre les troupes françaises et les combattants de l’armée de libération nationale, 8 ans également pour un référendum sans appel et plus de 90% de la population française de métropole approuvant ces accords le 8 avril 1962.
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La guerre ne s’arrêta pas en un instant mais continuera jusqu’à la proclamation solennelle de l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962.
Le cessez-le-feu, appliqué immédiatement par l’armée française n’est respecté ni par l’Organisation armée secrète qui prétend empêcher l’application des accords par une vague d’attentats dès avril 1962, ni par le Front de libération nationale. Ce dernier se déchaîne ainsi contre les civils français et les harkis, faisant même plus victimes civiles européennes et musulmanes après le 19 mars qu’avant.
Le bilan de cet "évènement" fut comme souvent particulièrement lourd. C’est ainsi qu’on dénombra 27.000 militaires français tués, des centaines de disparus, 65.000 blessés, 152.000 morts dans les rangs du FLN, 500.000 morts algériens civils et combattants.
Et puis, les millions de personnes déplacées, 300.000 orphelins, 400.000 détenus, 300.000 réfugiés au Maroc ou en Tunisie.
Et puis les atrocités commises dans les deux camps et puis les tortures que certains n’hésitaient pas à pratiquer.
Un lourd bilan pour une vraie guerre.
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Mais il aura fallu néanmoins attendre l’année 1999 pour qu’une proposition de loi soit votée enfin à l’unanimité par l’Assemblée Nationale et le Sénat et reconnaisse finalement le terme de "guerre d’Algérie" en lieu et place de "guerre sans nom", terme officiel.
"Evénement d’Algérie" ou "Guerre sans nom", tournure de style classique cherchant à réduire l’impact de la réalité.
"Guerre sans nom" pour minimiser l’évènement et le dissimuler.
"Guerre sans nom" comme s’il suffisait de ne pas prononcer un mot pour rendre moins tragique une situation.
"Guerre sans nom" pour cacher aux Français l’effroi et l’horreur d’un conflit qui fut une véritable guerre avec son lot de terreur, d’injustice et de mort.
Jacques Floch, rapporteur de la loi, déclarait alors à la tribune : "Enfants pendant la Seconde Guerre mondiale, jeunes gens mobilisés en Algérie, nous avions tous un compte à régler avec la guerre."
Georges Colombier insista également sur la réconciliation de la classe politique avec celles des combattants en disant : "Un quart de siècle s'est écoulé sans que les sacrifices consentis par nos soldats dans ce conflit aient été pleinement reconnus."
La reconnaissance de cette guerre, tant attendue après 37 ans, accordera enfin la qualité d’anciens combattants à près de deux millions d’appelés et Martine David déclara sur ce point : "Nous décidons de redonner aux anciens combattants l'honneur et la dignité que l'histoire leur avait pris."
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Longtemps vous, associations d’anciens combattants, avaient souhaité et réclamé la commémoration de ce conflit et des combats au Maroc et en Tunisie.
La France aime se souvenir des grands moments de son Histoire et préfère cacher les autres.
Il ne suffit pas de ne pas parler d'un événement pour qu'il disparaisse et qu'il n'existe plus. Il suffit souvent d'une pièce manquante à un puzzle pour que ce dernier n'est plus de sens ou d'intérêt.
La Guerre d'Algérie est l'une de ses pièces, l'une des pièces du puzzle de l'Histoire de France et fait le lien, le liant entre les autres évènements et périodes de notre Histoire. Elle participe comme d'autres, à expliquer d'où l'on vient et où nous sommes aujourd'hui et fait également que la France est un grand pays.
Et puis la France aime célébrer les vainqueurs et préfère oublier les autres.
Mais une commémoration n’est pas simplement la célébration d’une victoire mais également la mise à l’honneur de ceux qui ont portées, défendues, combattues parfois même jusqu’à la mort nos valeurs.
Le fait de ne pas remporter un conflit n’a jamais signifié que ceux qui se sont battus étaient moins braves ou moins courageux.
Comme pour chaque conflit et lors de toutes commémorations, le dénouement final importe peu car nous parlons encore de courage, d’obéissance, de dévouement, de souffrance et de doutes également. Rien ne change.
Oui, ce matin, nous parlons vraiment d’autres choses que simplement de la fin d’une guerre en rendant hommage ce 19 mars, devant ce monument aux morts, à tous ces combattants, morts aujourd’hui ou encore présents à nos côtés.