mardi 11 novembre 2014

Allocution commémoration armistice du 11 novembre 1918

Nous voici réunis, une nouvelle fois, en ce 11 novembre, devant ce monument aux morts, pour célébrer la fin de la Grande Guerre. 
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C’est ainsi que dans une clairière de Rethondes, il y a quatre-vingt-seize ans, à cinq heures du matin, le maréchal Foch signa l’armistice mettant fin à ce conflit et permit alors d’écrire dans les livres d’Histoire le bilan le plus terrible que le monde ait connu : 65 millions d’hommes mobilisés, 8 millions et demi de morts, 21 millions de blessés, 4 millions de veuves et 8 millions d’orphelins.

Lors de ma première allocution, je m’étais engagé à citer ces chiffres, à les rappeler année après année, pour que personne ne les oublie, ils sont la raison initiale de notre présence ce matin, ils sont l’exemple le plus dramatique de ce à quoi peut mener la folie des hommes.

En préparant cette allocution, je me suis interrogé, comme chaque fois, sur ce que je devais vous raconter, sur ce que j’allais trouver dans les archives, sur quoi je voulais une nouvelle fois insister.
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Alors oui, j’aurai pu vous rappeler la disparition du dernier poilu, ses souffrances, ses souvenirs et ses souhaits de paix. Je vous aurai dit que l’histoire d’un homme avait laissé la place à l’Histoire de notre pays.

J’aurai pu vous expliquer que parler de cette histoire, c’est raconter la vie de chacun d’entre nous ; chacune de nos familles a encore aujourd’hui des ancrages dans cette période et que même si ceux-ci sont de plus en plus lointains, ils ont participé à notre construction, ils feront partie définitivement de nous et de nos familles.

Je pourrais vous parler du courage extrême de nos soldats, de la fierté de représenter leur pays, de leur bravoure et de l’inconscience de leur jeunesse.

Je pourrais aussi parce qu’il ne faut rien cacher, vous parler de ces exécutions sommaires au nom du refus d’obéir de tant de soldats et qui resteront à jamais des fautes morales de l’armée française.

Je pourrais vous parler de ces moments irréels, de ces combats improbables durant lesquels plus de 100 soldats pouvaient tomber en une minute.

Je pourrais parler de la vengeance née des souffrances, je pourrais parler des mutilations, des destructions et de la haine de l’autre.

Je pourrais citer ces soldats meurtris, qui au sortir de la guerre imploraient que ces horreurs ne se reproduisent pas.

Mais tout cela, vous le savez déjà, tout a déjà été dit, nous avons tant parlé, tout a été raconté, rappelé, expliqué, année après année.

Je pourrais une nouvelle fois continuer et vous raconter toutes ces histoires, vous remémorer tous ces souvenirs, insistez sur tous ces malheurs.

Mais cela aurait-il aujourd’hui encore vraiment un sens, le même sens qu’un 11 novembre 1919 ?

Je pourrais une nouvelle fois juste tenir le rôle qu’on attend sûrement d’un élu, un matin du 11 novembre.
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Mais nous sommes aujourd’hui le 11 novembre 2014, et cette journée est la première de 4 autres, celles qui nous emmèneront jusqu’au 11 novembre 2018.

Cette journée poursuit les premiers anniversaires, ceux qui ont débuté il y a quelques mois par les commémorations relatives au début de ce conflit, ceux qui se poursuivront pendant 4 ans encore.

C’était il y a 96 ans et nous ne sommes donc plus qu’à 4 ans désormais du centenaire de la signature de l’armistice de la première guerre mondiale.

Nous sommes ainsi sûrement au lancement des dernières commémorations sous la forme que nous connaissions et pratiquons depuis le 11 novembre 1919.

Et année après année, nous continuerons sûrement à évoquer les moments qui ont marqué cette terrible guerre.

Et année après année, nous nous rapprocherons du moment où nous nous lirons le dernier chapitre.

Et ce 11 novembre 2018, nous serons encore réunis, ensemble, devant ce monument, pour fermer sûrement le livre de cette tragédie.

Nous serons tous présents avec l’émotion légitime de vivre un moment si particulier, de savoir qu’il s’agira d’une dernière fois.

Et puis, les 11 novembre seront évidemment différents après 2018 ; cent ans seront ainsi passés depuis la clairière de Rethondes.
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Il est peut-être temps, sans rien renier, sans rien oublier, sans rien rejeter, d’envisager autrement ces moments de souvenir et de recueillement.

Nous devons désormais et encore plus au lancement des dernières commémorations, réinventer ces moments et leur trouver un nouvel objectif.

Alors depuis 2008, au fil des 11 novembre et des 8 mai, je vous ai évoqué toutes ces choses que nous devons garder en nous pour les transmettre à nos enfants, pour qu’à leur tour, ils puissent les transmettre aux leurs, ils sont notre mémoire, la mémoire de notre pays.

« Transmettre pour ne pas oublier, ne pas oublier pour ne jamais reproduire », je vous le disais déjà l’année dernière, c’est cela le sens de ces commémorations, que nos enfants s’approprient ces moments, qu’ils apprennent ces histoires, qui se souviennent des raisons de cette guerre, qui soient convaincus que le plus dur combat restera toujours celui de la vie, de la paix et de l’amour.

C’est ainsi, c’est immuable, c’est à eux de porter à l’intérieur d’eux-mêmes les souvenirs de cette guerre.

Durant ces 4 prochaines années, nous aurons cet objectif, ce dessein.
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J’ai donc souhaité que nos enfants et nos jeunes soient présents encore plus nombreux ce matin.
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C’est pour cela que j’ai accepté sans hésiter la proposition de Denis Lecœur, conseiller municipal, correspondant Défense et Commandant de réserve de décorer Jonathan Allonge, réserviste opérationnel de la Marine Nationale, de la Médaille de Bronze du Service Militaire Volontaire.

Elle récompense tous les réservistes des 3 armées, la gendarmerie et la sécurité civile pour toutes les actions et le dévouement au service de la France.

Elle marque de fait le courage, la disponibilité et l’investissement.

Sa présence nous rappelle également la formidable jeunesse de nos soldats partis il y a 100 ans déjà pour se battre et risquer de mourir dans les champs de la Meuse ou de la Marne.

C’est à lui maintenant de reprendre le flambeau et de continuer à se souvenir pour transmettre à son tour.

C’est pour cela également que j’ai souhaité que les élèves de CM2 de M. Damien Bourgine, Directeur de l’école Jacques Gillet, soient à nos côtés ce matin.

Ils ont étudié durant plusieurs semaines, ils se sont imprégnés de ces moments de notre Histoire, ils ont choisi les lettres des poilus qu’ils ont souhaitées lire avec nous, celles qui les ont le plus touchés, ils ont compris que l’important était de ne jamais oublier.

Ces lettres auraient pu être écrites par nos grands-pères et nos arrière grands-pères. 

Lecture des lettres des enfants.

Mesdames, Messieurs, cette année, comme toutes les autres, même si ce discours est différent, je l’ai préparé avec la même application, la même volonté et la même gravité.

Mais cette année, au démarrage des centenaires, il n’était plus possible de reproduire ce que nous avions déjà fait les autres années.

Mais cette année, au lancement des anniversaires, il était de notre responsabilité, de notre devoir, de passer le flambeau.

Elle l’a compris, cette jeunesse, ils l’ont compris,, Jonathan, Manon, Téo et les autres.

C’est tous ensemble et avec eux que nous transmettrons ainsi aux générations futures, l’Histoire de ces soldats et même si les commémorations prendront d’autres formes.

C’est tous ensemble et avec eux que nous permettrons de conserver dans notre mémoire ces moments de notre Histoire et bien au-delà du 11 novembre 2018.

C’est tous ensemble et avec eux que nous conserverons ainsi au fond de nous, l’histoire de ces soldats, celle qui perpétuera la fierté d’être Français, celle qui fait la force de notre pays.

C’est à eux désormais de ne jamais oublier et de transmettre à leur tour. 

Ils sont notre avenir, ils resteront notre mémoire.

Vive la République. Vive la France.