samedi 3 juin 2017

Allocation des Accords d'Evian, 19 mars 2017


En mai 1961, le Gouvernement français et le Gouvernement provisoire de la république algérienne entament des négociations difficiles.

Tout est déjà joué. Le 18 mars 1962, le Gouvernement français cède ses pouvoirs sur l’Algérie et le Sahara au travers de la signature des accords d’Evian. 

Ils mettent fin à ce que personne ne voulait appeler « guerre d’indépendance » mais qualifiait juste « d’événement d’Algérie ».

Ces accords se traduisent alors dès le lendemain par un cessez-le-feu applicable sur l’ensemble du territoire et par les deux camps.

8 ans pour un cessez-le-feu, 8 ans pour la fin d’un conflit entre les troupes françaises et les combattants de l’armée de libération nationale, 8 ans également pour un référendum sans appel et plus de 90% de la population française de métropole approuvant ces accords le 8 avril 1962.

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La guerre ne s’arrêta pas en un instant mais continuera jusqu’à la proclamation solennelle de l’indépendance de l’Algérie le 3 juillet 1962.

Le cessez-le-feu, appliqué immédiatement par l’armée française n’est respecté ni par l’Organisation armée secrète qui prétend empêcher l’application des accords par une vague d’attentats dès avril 1962, ni par le Front de libération nationale.

Ce dernier se déchaîne ainsi contre les civils français et les harkis, faisant même plus victimes civiles européennes et musulmanes après le 19 mars qu’avant.

Le bilan de cet « événement » fut particulièrement lourd. On dénombra 27.000 militaires français tués, des centaines de disparus, 65.000 blessés, 152.000 morts dans les rangs du FLN, 500.000 morts algériens civils et combattants.

Et puis, les millions de personnes déplacées, 300.000 orphelins, 400.000 détenus, 300.000 réfugiés au Maroc ou en Tunisie.

Un lourd bilan pour une vraie guerre.
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Les années s’enchaînent, les commémorations également, nous nous retrouvons en ce matin du 19 mars pour nous rappeler, célébrer et remercier nos soldats qui ont combattu et souffert pour notre pays.

Bien évidemment, depuis le 19 mars 1962, chaque année, votre histoire a déjà été racontée, cela fait déjà presque 10 ans que j’en parle à vos côtés mais nous sommes une nouvelle fois tous réunis encore devant ce monument en mort.

Le 19 mars 2009, je m’exprimais pour la première fois devant vous et je vous avais déjà tout raconté.

Je vous parlais des discours qu’on rêvait d’écrive avant d’être élu, je vous parlais des autres.

Je vous parlais des événements qu’on rêvait de célébrer, je vous parlais des autres.

Je vous parlais de mon père mort il y a déjà 22 ans et qui essaya très souvent de me raconter ce qu’il avait vécu durant ce conflit.

Je vous parlais de moi, jeune, lorsqu’enfant pendant des années, je ne l’écoutais pas, je refusais d’entendre ce qu’il voulait me dire, je pensais sûrement qu’il avait participé à une bien mauvaise.

Et depuis presque 10 ans, je parle de vous pour peut-être rétablir cette vérité, celle qui n’aurait jamais dû être balayée.

Je parle de vous et peut-être moins des autres c’est vrai, les victimes civiles à qui cette commémoration rend hommage également aujourd’hui.

Leur mort n’a pas moins de valeur, il est impossible et il serait dangereux de définir l’échelle du malheur, celle permettant de classer l’horreur d’une mort par rapport à une autre.

Je parle moins des victimes civiles mais j’ai une pensée sincère pour chacune d’entre elle car elles sont mortes pour rien.

Je parle mois des victimes civiles mais peut-être pour parler un peu plus de ce que vous avez vécu, vous qui êtes avec moi ce matin.
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Je parle de vous, soldats perdus dans le dédale des souks, isolés dans des villages, seuls au milieu de djebels inhospitaliers, noyés parmi les orangers.

Je parle de vous, jeunes militaires, engagés, appelés, rappelés, réservistes, envoyés par ceux qui quelques années plus tard vous reprocheraient d'en avoir trop fait.

Je parle de vos grands-pères qui en 1914 étaient partis pour défendre la patrie.

Je parle de vos pères qui en 1939 avaient été appelés pour défendre la France.

Je parle de chacun d’entre vous qui en1952 étaient partis pour se battre avec le même courage, le même engagement et la même fierté de représenter la France.

Vous aussi, vous avez obéi aux ordres, comme vos ainés, ceux de 1914 ou de 1939, rentrés en héros et alors que personne ne vous voulait juste vous écouter.

Je parle de vous car beaucoup ne l’ont jamais fait ou ne l’ont pas voulu.
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Cette journée est symbolique, elle doit juste être considérée comme cela, cette journée est celle des souvenirs, des vôtres.

Chaque année, je suis interpellé par certains, ils me reprochent d’être à vos côtés.

Ils me demandent d’écarter le 19 mars pour préférer le 5 décembre.

Ils se trompent car je dois avant tout, au-delà de ce que le 19 mars peut représenter, respecter votre choix.

C’est celui de la FNACA et c’est cette journée que vous avez choisie pour commémorer et vous souvenir.

Le 5 décembre était évidemment une date plus consensuelle, elle est plus neutre, plus ronde, elle ne représente rien si ce n’est le jour où Jacques Chirac inaugura le mémorial consacré aux 24.000 soldats français tués pendant le conflit et situé au Quai Branly.

Ce monument comporte le nom de tous les soldats français tombés en Algérie et notamment ceux tués entre le 19 mars 1962 et le 2 juillet 1962.

Mais être présent ce matin, en ce 19 mars 2017, ne signifie pas que nous oublions les soldats tués après le 19 mars 1952.

Ils sont évidemment présents à nos côtés une nouvelle fois ce matin.

Adorant la polémique, le conflit et la division, beaucoup de Français en oublient l’essentiel.

N’est-ce pas ce que nous vivons d’ailleurs chaque jour un peu plus en cette période électorale ?

19 mars ou 5 décembre, quelle importance, cela n’a aucun sens, revenons enfin à l’essentiel et oublions le reste.

Nous sommes réunis, ensemble, une nouvelle fois ce matin, pour célébrer nos morts, penser à nos soldats et vous remercier d’avoir combattu avec courage pour notre pays.

Je suis juste heureux de vous dire ce que beaucoup ne vous ont jamais dit.

Je vous remercie juste pour votre courage, votre obéissance, votre dévouement, vos souffrances et votre sacrifice.

Je tenais avec vous à mettre simplement à l’honneur ceux qui ont porté, défendu, combattu parfois même jusqu’à la mort pour nos valeurs.

Comme chaque année, je suis fier ainsi d’être présent à vos côtés, entouré de vous tous et je vous exprime, une nouvelle fois, au-delà du devoir de mémoire, mon plus profond respect.

Vive la République et vive la France.