samedi 12 novembre 2016

Allocution commémoration armistice du 11 novembre 1914

Une nouvelle fois ce matin, nous nous retrouvons ici, devant ce monument aux morts afin de célébrer la fin de la première guerre mondiale.

Une nouvelle fois, je vous parle de la clairière de Rethondes, ce moment du 11 novembre 1918 où à cinq heures du matin, le maréchal Foch signa l’armistice qui mit fin à ce conflit et donna naissance à l’un des bilans les plus terribles de notre Histoire.

Et aujourd’hui, nous continuons notre voyage dans le passé, ce voyage initié il y a 2 ans maintenant dans le cadre des commémorations du centenaire.

Nous ouvrons le troisième chapitre, il n’en restera plus que deux, par la suite, pour que nous refermions le livre de cette guerre.
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Et ce matin, nous regardons une nouvelle en arrière, nous sommes en 1916, l’année de la bataille de la Somme et de celle de Verdun.

La bataille de la Somme fut la première offensive conjointe franco-anglaise du conflit.

Elle fut l’une des plus meurtrières de l’histoire avec environ 1.060.000 victimes militaires dont environ 442.000 morts ou disparus.

La première journée, le 1er juillet 1916, fut ainsi pour l'armée britannique, une véritable catastrophe, avec 58.000 soldats mis hors de combat dont 19.240 morts.

La bataille prit fin le 18 novembre 1916 avec sur le plan militaire l’un des bilans les moins convaincants de cette guerre.

Les gains de territoires pour les Alliés furent ainsi modestes même honteux au regard du nombre de pertes.

Le front ne fut pas percé, les combats usèrent les adversaires, sans réels vainqueurs, ni vaincus. 

La victoire fut cependant donnée aux Alliées grâce à la récupération d’une douzaine de kilomètres vers l’Est tout au plus.

Douze kilomètres pour 442.000 morts soit près de 37 soldats des 2 camps par mètre repris.

Ce triste bilan ne conduisit pas la bataille de la Somme à s’inscrire dans la mémoire collective des Français qui en choisirent une autre, celle de Verdun.

La bataille de Verdun opposa les armées française et allemande. Conçue par le commandant en chef de cette dernière, elle avait comme objectif de saigner à blanc l’armée française sous un déluge d’obus et dans un rapport de pertes de 1 pour 2.

Elle se révéla en fait presque aussi coûteuse pour l'attaquant et fit plus de 700.000 pertes soit une moyenne de 70.000 victimes pour chacun des dix mois de la bataille ou plutôt plus de 2.300 morts par jour.

A la différence de la bataille de la Somme, elle se termina sans aucun gain ni perte de terrain, 2.300 morts par jour pour revenir à la situation initiale.

Verdun ou le symbole de la futilité de toute guerre industrielle.

Verdun ou l’une des plus longues et des plus dévastatrices batailles de la Première guerre mondiale, ce qui donna lieu à son mythe, celle qui apparaît comme le lieu d’un affrontement les plus inhumains auxquels l’homme se soit jamais livré.

Verdun ou la sacralisation d’une bataille de défense dans la mémoire collective du peuple de France.

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Mesdames, Messieurs,

Le 11 novembre demeurera pour longtemps encore le jour où, dans toutes les villes et tous les villages de France, devant les monuments aux morts où sont gravés les noms de ceux qui ne sont jamais revenus, nous irons nous recueillir et rendre l’hommage aux poilus morts au cours de la Première guerre mondiale.

Mais dans cette journée à laquelle la pire des guerres a donné une signification si profonde, c’est aussi à tous les soldats tombés pour la France, que notre pays a souhaité rendre hommage, depuis la loi du 28 février 2012 en renforçant la solennité de cette journée.

Il s’agit d’honorer tous ceux qui sont tombés pour notre pays en faisant leur devoir dans les conflits dans lesquels la France a été engagée, ceux que l’on a jamais honorés également, ceux que l’on a oublié, ceux qui n’ont pas leur nom sur les monuments, ceux qui ne sont dans aucun livre d’Histoire.

Il était injuste simplement d’honorer les soldats tombés pour la France durant la Première guerre mondiale et d’oublier les autres.

Ils méritent tous d’être mis à l’honneur parce qu’ils ont donné leur vie pour que les valeurs essentielles de notre pays puissent perdurer.

C’est ainsi que nous pensons aussi ce matin à tous les soldats français tombés dans l’histoire pour défendre notre territoire ou nos valeurs.
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La loi du 28 février 2012 précise même que : « Le 11 novembre, jour anniversaire de l'armistice de 1918 et de commémoration annuelle de la victoire et de la Paix, il est rendu hommage à tous les morts pour la France. » sans préciser s’il s’agit de soldats ou de civils.

Et c’est la première fois aujourd’hui que nous sommes réunis pour un moment de recueillement depuis l’attentat du 14 juillet dernier à Nice.

Le 14 juillet 2016, un assassin ôta la vie à 86 personnes, 86 victimes d’un acte barbare, 86 victimes pour beaucoup plus de vies brisées à jamais.

A deux jours aujourd’hui du premier anniversaire de l’attentat du Bataclan, je tenais à rendre hommage à ces 86 morts issus de nombreuses nations, morts ensemble pour la France et ce qu’elle représente.

Ils n’étaient pas soldats mais défendaient simplement, sans le savoir réellement, les valeurs et les fondamentaux de notre pays.

Ils défendaient nos idéaux, ils défendaient notre mode de vie, ils défendaient notre culture, ils défendaient la liberté d’aller où ils souhaitaient, ils défendaient l’égalité en étant différents mais tous réunis, ils défendaient la fraternité autour d’un des symboles de notre République.

Ils défendaient la douceur de vivre, la joie d’être ensemble, l’insouciance de l’été, la liberté d’aller et venir, la possibilité de penser ce qu’ils souhaitaient. Ils défendaient la vie tout simplement.

Je tenais à rendre hommage à Yannis, Fatima, Linda, Sean, Mehdi, Daniel, Laurence, Amie, Raymonde, Myriam, Pierre, Viktoria, Gisèle, Germain, Robert, Bilal, Olfa.

Je voulais rendre hommage à Emmanuel, Timothé, Roman, Igor et David.

Fatima avait 8 enfants, elle était arrivée à Nice à l’âge de 20 ans pour rejoindre son mari maçon, elle fut femme de ménage. Son fils dit d’elle qu’elle fut une maman extraordinaire.

Laura avait 13 ans et demi. Son père raconte : « On était sur la Promenade. On était en train de regarder ce feu d’artifice, il y avait des milliers de personnes. On était tous heureux d’aller voir ce feu d’artifice. J’ai perdu ma fille jumelle. »

Yanis avait 4 ans. Mickael son père confiait au journaliste : « Mon fils était un peu plus loin avec ses copains… J’ai juste eu le réflexe d’attraper ma femme, de l’éjecter, et de me coucher. Le camion est passé à 10 cm de moi. Quand je me suis relevé, il y avait toute cette foule, et moi je priais le bon Dieu pour que Yanis soit sain et sauf. Quand je l’ai vu par terre, j’ai tout de suite compris. »

Michaël avait 28 ans et était professeur d’économie. Sur twitter, des élèves ont salué sa mémoire en publiant des photos le montrant riant aux éclats dans une salle de classe. Le jeune homme se trouvait avec six membres de sa famille, cinq sont décédés.

Amie avait 12 ans et était la fille d’un journaliste du magazine Ressources. Ce magazine, basé à Nice, a annoncé sur sa page Facebook la mort de l'adolescente : « Toute notre équipe est sous le choc. Les mots dont nous sommes censés être les spécialistes sont soudain vidés de sens. »

Et puis Olfa était tunisienne et avait 31 ans. Elle se trouvait avec son fils de quatre ans, Kilian le jour de l’attentat. Son père le chercha de nombreuses heures avant qu’on lui confirme le décès de son fils, après celui de sa femme.

Timothé était buraliste à Paris. Il est mort en protégeant sa femme, enceinte de sept mois, qu'il a poussée sur le côté juste avant que le camion le percute. L’une de ses cousines raconte : « C'était une crème de bonté, un jeune homme rêveur, mais qui était toujours là pour sa femme et son futur enfant. »
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J’ai ressenti une réelle émotion lorsque j’ai lu le portrait des victimes en préparant cette allocution car derrière un nombre, 86, il y avait tant d’histoires différentes et souvent si belles. Il n’y a plus que de la tristesse, du désespoir, des souvenirs et la mort.

J’aurai aimé parler de chacune d’entre elles et leur rendre juste un hommage si dérisoire devant ce drame.
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Mesdames, Messieurs, nous étions réunis ce matin dans le cadre des commémorations du centenaire de la Grande Guerre et nous avons remonté le temps.

Nous avons parlé de 1916 et de ces batailles horribles durant lesquelles les soldats moururent par centaines par minute.

Nous avons cité ces chiffres, ces bilans irréels au point de ne plus être palpables.

Mais nous avons pris le temps également de nous recueillir en pensant aux victimes de l’attentat du 14 juillet dernier.

C’était aussi notre rôle car elles sont bien tombées elles-aussi pour la France.

Nous sommes allés plus loin dans le recueillement en rappelant que la barbarie a toujours été présente dans l’histoire de l’Humanité.

Elle était présente sur les champs de bataille il y a 100 ans, elle l’était sous une forme différente en 2016 une soirée d’été sur la Côte d’Azur, elle devra toujours être combattue.

Vive la République.
Vive la France.