vendredi 19 mars 2010

Allocution Signature des Accords d’Evian

Toutes les commémorations sont entourées d’une atmosphère particulière car nous prenons le temps, quelques minutes, un instant, pour parler de courage, pour parler de dévouement, pour parler de mémoire, pour parler aussi de tristesse mais surtout pour parler de la fierté qui doit vous habiter, chacun, d’avoir servi la France.

Je suis avec vous devant ce monument aux morts pour célébrer la signature des accords d’Evian en ce 19 mars 2010.

J’aurais été avec vous également devant ce même monument pour célébrer la signature des mêmes accords si vous me l’aviez demandé le 5 décembre

Vous avez souhaité organiser cette commémoration ce jour, votre commémoration, et personne ne devrait remettre cela en cause.

Choisir entre le 19 mars et le 5 décembre ne doit pas être une décision politique mais celle de la mémoire et du respect. Cette décision doit provenir de vous et de ce que vous pensez être le plus juste. La polémique n’a pas sa place encore aujourd’hui.

Vous avez obéi à la France comme les autres, vous avez combattu comme les autres, vous avez ressenti la même souffrance, connu les mêmes horreurs, eu les mêmes doutes, certains d’entre vous sont morts, d’autres ont été blessés. Ce constat montre que bien que toutes les guerres soient si différentes, les soldats restent les mêmes.

Mais pour celle-ci, à votre retour, contrairement à d’autres guerres, vous n’avez pas été accueillis en héros, on ne vous a pas célébrés, on n’a pas tenté de savoir, on n’a pas cherché à connaitre ce que vous aviez vécu. Cela n’intéressait pas car vous reveniez de la mauvaise guerre.

L’Histoire comprend et comprendra toujours des mauvaises guerres, celles qu’on ne veut pas étudier, celles dont personne n’a envie de parler. les Etats-Unis ont eu la guerre du Vietman, nous avons eu la guerre d’Indochine et puis évidemment cette guerre d’Algérie.

Alors, qu’on vous laisse simplement et au minimum avoir le choix de la date qui vous convient le mieux car ce matin, c’est bien vous qui êtes mis à l’honneur.

Combien d’entre vous n’ont jamais été écoutés ou non pas osé raconter leur histoire. Comme beaucoup d’autres, je n’étais pas intéressé à ce que mon père voulait me raconter. Je vous avais parlé, il y a un an, de mon regret de ne pas avoir su simplement être à l’écoute et d’avoir refusé de prendre le temps.

Que cela est triste de se rendre compte après si longtemps que vous auriez pu apprendre au lieu de rejeter.

Les cicatrices de cette guerre ne se sont jamais refermées, elles sont toujours présentes et ne permettent pas encore de réconcilier le peuple d’Algérie à celui de France.

Alors que quelques années après la plus monstrueuse des guerres, la France et l’Allemagne entamaient un travail de réconciliation qui connut, selon moi, son aboutissement lorsque le 8 mai 2009, le Président de la République Nicolas Sarkozy et la Chancelière Allemande Angela Merkel, se recueillirent main dans la main pour montrer qu’il fallait aller au-delà de la guerre, même la plus terrible qui soit.

A la différence et après 46 années passées aujourd’hui depuis le 19 mars 1962, la situation entre la France et l’Algérie reflète encore le conflit du passé et il n’est pas encore envisageable dans les prochaines années de voir la même scène entre les Présidents Français et Algérien.

Cette tension ne doit pas vous empêcher de vivre vos souvenirs. N’écoutez pas ce que certains peuvent vous dire, croyez en ce que vous avez fait, soyez fiers d’avoir servi votre pays.

Transmettez aux plus jeunes et à vos proches votre histoire, l’histoire de cette guerre, l’histoire de ces soldats. Apprenez leurs vos souffrances et vos doutes, parlez leurs de vos souvenirs, ne rabaisser jamais votre courage devant quelques uns.

L’histoire de chacun d’entre vous doit être transmise aux plus jeunes car les histoires de tous, réunies entre elles, forment ainsi et simplement, en ce matin du 19 mars 2010, une partie de notre Histoire, une partie de l’Histoire de France.