vendredi 8 mai 2009

Allocution Commémoration 8 mai 1945, 08/05/2009



Il y a un an déjà, je me trouvais ici, avec vous et aujourd’hui, à vos côtés, je me souviens de tout.

Je me souviens du moment lorsque j’ai quitté la mairie, il faisait beau, je me souviens du moment où je vous ai retrouvés dans le village, je me souviens du parcours pour arriver jusqu’à ce monument, je me souviens enfin de l’émotion quand j’ai vu les enfants.

Je me souviens de tout car la seconde guerre mondiale fut l’évènement tragique du 20ème siècle. Elle fut la guerre contre le mal absolu.

Elle opposa la compromission de Vichy à l’espoir de l’appel du 18 juin 1940.

Elle opposa l’horreur du nazisme au supplice des juifs, les dénonciations ignobles à la grandeur des justes.

Elle opposa enfin la froideur de la milice au courage des résistants.
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Le 8 mai 2008 comme maintenant, le poids de l’histoire était sur mes épaules, je le ressentais, je ressentais la France à mes côtés. La France de la fierté, celle de l’honneur.

Le 8 mai 2008 comme maintenant, nous n’étions pas seuls, nous étions entourés de leur présence, nous étions parmi ces Français, ceux qui ont su dire non à l’innommable, ceux qui ont rejeté la soumission et ceux qui ont subi tant de souffrances.

Tout cela doit rester gravé en nous à jamais.
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Ce matin, je ne me veux me souvenir que des hommes et des femmes qui ont fait ce que nous sommes aujourd’hui.

Je voulais leur rendre hommage.

Car à côté des bourreaux, des traitres et des assassins, je veux me souvenir avec vous des Français, si nombreux, qui incarnèrent les valeurs de la France.

La France qui tant de fois dans son histoire a su se lever pour se battre pour la liberté et la dignité des hommes, la France qu’il faut apprendre à nos enfants, la France qui nous permet aujourd’hui de briller.

La vraie France, elle n’était pas à Vichy, elle ne collaborait pas, elle ne dénonçait pas, elle ne torturait pas, elle n’assassinait pas.

En cette cérémonie de la commémoration de l’armistice de la seconde guerre mondiale, je tenais personnellement et passionnément à rendre hommage aux Français de la liberté, aux Français du courage, aux Français de l’honneur.

Aux heures les plus sombres de notre histoire, ils ont su, alors que tout semblait perdu et que renoncer était la facilité, dire simplement « non », car baisser les bras ne ressemblait pas à ce que la France incarnait à leurs yeux, le pays des droits de l’homme, le pays de la tolérance, le pays de la liberté.
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Ils se sont levés pour sauver l’honneur de notre pays, ils étaient la fierté de la France.

La fierté et l’honneur de la France n’étaient pas dans les bureaux de Vichy, ils ne s’appelaient ni Pétain, ni Doriot, la fierté et l’honneur de la France étaient à Londres et s’appelaient De Gaulle. En refusant d’accepter ce qui semblait inéluctable, il redonna en un instant, en un discours, l’espoir à tout un pays.

La fierté et l’honneur de la France se nommaient Philippe Kieffer, premier soldat touchant le sol de France, ce matin de juin 1944, en Normandie. Avec son commando, le commandant Kieffer l’hurlait au monde, l’armée française est de retour sur le sol de France et cette fois-ci, c’est pour y rester !

La fierté et l’honneur de la France se nommaient Jacques-Philippe Leclerc et se battaient avec la 2ème DB dans le désert d’Afrique, en Normandie puis en Europe. Ils se nommaient Marie-Pierre Koenig qui résista pendant seize jours aux attaques des armées italiennes et allemandes, puis remporta la bataille de Bir-Hakeim pour devenir en un jour, l’orgueil de la France libre.

La fierté et l’honneur de la France n’étaient pas dans la milice mais dans l’armée secrète, ils ne s’appelaient ni Laval, ni Darnand, ils ne s’appelaient ni Bousquet, ni Papon, ils avaient les visages de Jean Moulin et de Lucie Aubrac.

La fierté et l’honneur de la France se nommaient Pierre Brossolette, compagnon de la libération qui torturé pendant plus de 2 jours, se jeta du 4ème étage pour ne pas parler, et Jacques Bingen, compagnon de la libération qui arrêté par la Gestapo, préfèrera se suicider lui aussi pour conserver ses secrets.

La fierté et l’honneur de la France s’appelaient bien sûr Guy Moquet qui, la veille de sa mort, demandait simplement alors qu’il allait mourir « Ma petite Maman chérie soit courageuse ». Ils s’appelaient bien évidemment Maurice Druon lorsqu’il écrivit à Joseph Kessel en 1943, l’hymne de la Résistance, le « Chant des partisans ».

La fierté et l’honneur de la France ne se cachaient pas derrière les portes pour épier, attendre et dénoncer, son voisin, son ami, parce qu’ils étaient peut-être juif ou résistant.

La fierté et l’honneur de la France n’étaient pas ces auteurs de lettres anonymes dénonçant et dénonçant encore, sans même savoir pourquoi mais envoyant des innocents vers la mort.

La fierté et l’honneur de la France, sous la chape de haine qui recouvrait notre pays pendant l’occupation, étaient les « Justes parmi les nations », de tous milieux et de toutes origines, qui refusèrent l’ignoble en sauvant des juifs des persécutions, des déportations, de la barbarie.

La fierté et l’honneur de la France se nommaient Germaine Ribière qui créa l’Amitié Chrétienne en 1941 pour aider les juifs soumis aux décrets de Vichy et le Père Marie-Benoît, surnommé le père des juifs, qui aida des centaines d’entre eux à gagner la Suisse et l’Espagne à partir du Sud de la France. Ils s’appelaient Paul Ramadier qui refusa avec force les pleins pouvoir à Pétain puis participa à la Résistance.

La France comme vous l’entendez n’a jamais été celle de Vichy, elle est celle des résistants, celle des combattants, celle des justes, celle des mille visages, celle qui me donne la fierté de parler ainsi ce matin devant vous.
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Qu’ils soient morts sur les plages de Normandie ou de Méditerranée,

Qu’ils soient morts en libérant la Sicile, en pénétrant en Italie ou en franchissant le Rhin,

Qu’ils soient morts suppliciés dans les caves de la Gestapo ou torturés dans les prisons allemandes,

Qu’ils soient morts pourchassés dans le Vercors ou tués dans le maquis Corse,

Qu’ils soient morts exécutés pour avoir caché des juifs,

Qu’ils soient morts fusillés un matin de 1944 dans le Bois de Boulogne,

Ou qu’ils soient morts simplement un jour, une fois la guerre passée, en se demandant encore pourquoi on leur rendait hommage alors que tout cela leur avait semblé si naturel.

Qu’ils soient dans les livres d’histoire ou restés anonymes, ils sont la fierté et l’honneur de la France.

Ils n’ont pas seulement traversé l'Histoire, ils l’ont écrite et ce matin nous sommes tous un peu leurs enfants.
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Souvenez-vous il y a un an, je vous parlais de la crypte du Mont Valérien. Elle nous rappelle chaque année la réalité de ces hommes qui donnèrent leur vie pour leur pays et pour les autres.

A l’intérieur de ce lieu si particulier, chaque soldat tombé au champ d’honneur, chaque résistant mort d’avoir refusé de trahir les siens, chaque juste donnant sa vie pour sauver les juifs, pourrait y être présent, couché dans son cercueil pour l’éternité et continuant d’agrandir ce cercle du souvenir.

Ils formeront tous au-delà de notre mémoire, la légende de notre peuple, ils auront su sauver l’honneur de notre pays, ils resteront à jamais la fierté de la France.