jeudi 19 mars 2009

Allocution Signature des Accords d’Evian, 19/03/2009



Il y a les discours qu’on rêve d’écrire avant d’être élus, et puis il y a les autres !

Il y a les évènements qu’on rêve de célébrer après avoir été élus, et puis il y a les autres !
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La commémoration de l’armistice de la seconde guerre mondiale fait partie des premiers, celle de la signature des accords d’Evian des seconds.

Il y a 1 an, je devenais Maire de Villepreux et je pensais au discours que j’allais prononcer le 8 mai 2008.

Il y a 1 an, je rêvais de 1945 et pas de 1962.
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La France souhaite oublier certaines des dates de son histoire, la signature des accords d’Evian, selon moi, en est une. Nous étions combien le 8 mai 2008 devant ce monument aux morts, nous sommes combien ce matin ?

La France a gommé certaines dates de son histoire. Il y a eu la fin de la guerre d’Indochine, il y a la fin de celle d’Algérie.

La France est un grand pays mais qui ne veut pas se rappeler des moments difficiles et douloureux de son histoire.

Elle se souvient des forces françaises impliquées dans le débarquement le matin du 6 juin 1944, elle ne veut pas se souvenir des français qui soutenaient les allemands et ont été responsables de tant de déportations.

Elle se souvient de ses soldats sortant des tranchées pour courir vers la victoire, elle ne veut pas se rappeler des ordres absurdes qui envoyaient des milliers de jeunes français vers une mort certaine.

Je ne me serai pas souvenu de ce qu’était le 18 mars 1962, je l’aurai supposé, je l’aurai deviné, je devrai en avoir honte.
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Alors aujourd’hui, j’ai voulu ne pas faire comme souvent lors de cette cérémonie, un discours un peu trop rapide et sans âme. J’ai voulu exprimer vraiment ce que nous devrions célébrer ce matin.

J’ai voulu prendre mon temps ces derniers jours, j’ai souhaité réfléchir, j’ai refusé la simplicité, j’ai pensé à tous ces hommes qui se sont battus pour la France. Ils méritent autre chose que la facilité.

J’ai pris le temps ces derniers jours de penser à ce que j’allais dire, j’ai pris le temps car on vous a trop souvent ignorés, on ne vous a pas assez respectés. Vous vous êtes battus pour notre pays et cela devrait suffire pour qu’on vous dise merci.

J’ai pris le temps pour vous rendre hommage car la France ne l’a pas fait assez.
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Je n’ai pas souhaité ce matin parler du présent en m’inspirant des enseignements passés. Je ne suis pas là aujourd’hui pour refaire l’histoire, je ne suis pas là pour faire de la politique. La guerre d’Algérie a eu lieu, a laissé tant de traces, encore maintenant les cicatrices sont présentes, chacun le sait. Nous le savons tous mais je ne veux pas parler de cela ce matin.

Nous sommes devant le monument aux morts, nous devons avant tout nous recueillir et honorer la mémoire de ceux qui sont tombés au nom de notre pays, nous devons remercier ceux encore en vie pour s’être battus car la France leur demandait.
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Cette guerre était-elle plus discutable qu’une autre ? Sûrement mais est-ce parce qu’elle l’était que les soldats qui se sont battus valaient moins que les autres ? Etaient-ils moins courageux ou aimaient-ils moins notre pays pour cela ?

Les soldats qui sont partis au-delà de la Méditerranée étaient les mêmes que ceux de 1945.

Ils ressentaient la même fierté de partir se battre juste pour une chose, parce qu’ils partaient se battre pour la France.

Le fait de perdre une guerre ne change rien au courage, au dévouement, au sacrifice.
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Alors, être Maire vous permet donc de rétablir des vérités.

Etre Maire vous permet aussi une chose incroyable, une chose improbable, une chose que beaucoup aimerait dans leur vie.

Etre Maire vous autorise à remonter le temps et à dire devant tous des choses que vous n’avez jamais pu dire auparavant.
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Vous comprendrez bien évidemment l’émotion qui est la mienne lorsque je lis devant vous ces mots et honore les combattants de ce conflit. Je veux avoir une pensée particulière pour mon père, mort il y a 13 ans. Sa mémoire est à mes cotés ce matin, elle l’était quand je préparais cette allocution.

Pendant des années, mon père a tenté de me parler de la guerre d’Algérie, de raconter ce qu’il avait vécu, je ne l’ai jamais écouté, je n’ai pas pris le temps de l’entendre. Il avait sûrement, pour un enfant ou un adolescent, participé à la mauvaise guerre. Je regrette aujourd’hui de ne pas l’avoir fait.

Je suis heureux maintenant que ma position de maire me le permette pour lui dire ce que je n’avais jamais voulu lui dire il y a 13 ans.

Je n’aurai jamais pensé un jour reparler de cela mais au moment où on m’a demandé de préparer quelques mots pour cette date, tout m’est revenu, du passé, de mon enfance.
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A vous tous qui avaez lutté pour que la France triomphe, à vous tous qui savez ce qu’est le dévouement sans la reconnaissance, je suis ce matin près de vous. Du haut de mes 40 ans, mon père me regarde et je souhaitais juste en un court instant, lui dire que je suis fier de lui, non pas pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il représentait.

Il n’avait rien demandé, seulement de vivre, d’autres lui imposaient autre chose. Je me revois, petit, adolescent, je me revois, ne rien connaître, ne rien savoir, mais être convaincu d’avoir raison. Qu’a-t-il pensé alors de moi ?
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Vous combattants d’Algérie, d’Indochine ou de Normandie, avez chacun d’entre vous, représenté la France, cette France que nous aimons encore ce matin.

De 1940 à 1945, de 1958 à 1962, l’histoire de nos soldats de France aura été la même, celle du courage. Sachez ce matin que vous pouvez être fiers de votre engagement, fiers d’avoir représenté la France, fiers d’avoir participé à son histoire.

Que vous sortiez des tranchées en 1918, que vous sautiez des avions le jour du débarquement, que vous courriez dans les rizières d’Indochine ou que vous vous cachiez derrière les dunes au-delà de la Méditerranée, vous étiez les mêmes, vous étiez la France. Soyez fiers de qui vous étiez, comme nous devrions l’être de vous aujourd’hui.